La compagnie Oghma organise OGHMAC : le Festival de Théâtre Baroque du Périgord-Noir chaque année à la fin du mois de juillet.
Du théâtre, de la farce, des fantaisies, des chansons...
Dirigée par le comédien et metteur en scène Charles Di-Meglio, assisté d'Ivan Kaménarovic, la Compagnie OGHMA est un cas particulier dans la galerie des XVII-èmistes (avec des irruptions remarquées au Moyen-Âge)
Ces artistes singuliers font preuve d’une rare rigueur dans leur étude des textes anciens.
Et surtout d’une farouche volonté d’authenticité dans la reproduction des œuvres qu’ils présentent au public ; ainsi que d’une fraîcheur artistique inhabituelle qui rend accessible à chacun -et à tous les âges- ces formes théâtrales d’apparence ardues, ainsi que la langue qui les compose…
Car la gageure est d’importance. Le choix du directeur artistique de la troupe est celui de la reconstitution d’époque et c’est là l’une des caractéristiques majeures de cette compagnie, comme celles d’Eugène Green ou de Georges Forestier.
Ainsi, les spectacles des XVI et XVIIe siècles sont donnés avec la diction que l’on pense être celle de l’époque : où l’on roule les R, où l’on prononce les lettres finales de chaque mot, ou par exemple le son OI (oua) est prononce OUÉ, entre autres subtilités complexes et savoureuses.
Pour savoir ce que représente la diction baroque, les explications sont insuffisantes. Il faut écouter : Le récit de Théramène dans Phèdre par Jean Racine dit par Charles Di Meglio (3mn33)
Le résultat est envoûtant, intriguant pendant les premières minutes, mais l’on se prend vite au jeu et cela n’altère pas la compréhension du texte, au contraire.
Nous ne sommes plus du tout au XXIe siècle…
Et ce n’est pas tout.
La gestuelle baroque (la tête qui trône, les bras qui composent et les pieds qui marquent le rang de chacun, l’ampleur et la lenteur relative des mouvements…) est ici scrupuleusement respectée.
Cela représente un apprentissage et un entraînement rigoureux que peu de comédiens d'aujourd’hui acceptent d’engager.
Les riches costumes (manifestement un poste important dans le budget des spectacles d’Oghma) sont fabriqués par Charles Di Meglio lui-même comme de fidèles reproductions de costumes d’époque ou des parodies inspirées.
Les spectacles sont donnés sur des tréteaux, avec un jeu frontal (face au public) et éclairés à la bougie comme autrefois sur les champs de foire.
Pas de projecteurs électriques ici. Les acteurs sont maquillés avec un visage très clair, presque blanc pour bien refléter la lumière des bougies.
On découvre aussi une caractéristique oubliée des spectacles de cette époque (attestée par les historiens du théâtre) lorsque l’on voit certains des comédiens porter à la main une petite lampe à volet que l’on ouvre au moment de s’avancer et qui met en avant le visage du personnage, comme un gros plan de cinéma.
La précision de ces ʺprocéduresʺ anciennes est d’une sophistication telle que les œuvres du Moyen-Âge programmées également dans ce festival hors norme sont montrées différemment, dans des postures médiévales recomposées, enchaînées de façon beaucoup plus saccadées, avec des accélérations que l’on ne trouve pas dans le baroque, et une diction différente aussi, plus rocailleuse et plus triviale.
Chapeau bas.
OGHMAC
Le Festival de Théâtre Baroque du Périgord-Noir, centré sur Auriac-du-Périgord et les villages environnant a vécu fin juillet 2020 sa sixième édition, avec un spectacle par jour, à chaque fois à l'ombre d'un monument historique remarquable, devant un public nombreux en cette période anxiogène, et dans des conditions rigoureuses de sécurité, tant pour le public et les bénévoles que pour les artistes.
Un thème est développé chaque année. En 2020 : « Farces et Facéties ».
Historiquement, les farces étaient des harangues données par les charlatans en place publique, ʺremplies de pointes et de mots de gueuleʺ pour y amasser du monde et vendre plus facilement leurs remèdes miracles. Parfois, ces faux médecins s’associaient avec des voleurs pour dépouiller les passant captivés par le spectacle.
Plus tard, les comédiens en ont fait de plus régulières qui ont conservé le nom de farce dans le peuple, mais qu’ils appelaient plus honnêtement des petites pièces comiques.
Les facéties étaient de plus simple facture et consistaient en ʺplaisanteries qui divertissent et font rire, soit qu’elles consistent en paroles, ou en actionsʺ. Les comédiens ont souvent appelé leurs farces, de petites facéties.
Les programmateurs qui s’étaient déplacés pour voir les spectacles du festival comprennent tout de suite l’avantage qu’ils peuvent tirer de cette troupe originale et talentueuse, rare, capable de s’adapter avec avantage à toutes les situations scéniques, en intérieur ou pas ; également par la modestie des moyens techniques qu’elle mobilise.
Sa facilité à occuper les espaces extérieurs tout en se faisant entendre du dernier rang intéresse au plus haut point les directeurs de théâtre qui doivent composer leur prochaine saison en trouvant -vite- des solutions pour garantir des conditions sanitaires optimales à leur public.
La troupe de Charles Di-Meglio assure la presque intégralité des représentations du Festival de Théâtre Baroque du Périgord-Noir avec les pièces de son catalogue, mais invite aussi toujours une autre troupe. Cette année : Le Théâtre du Pan, troupe bretonne avec un rafraichissant spectacle de Comedia del Arte devant le porche de l’église du XIIIe siècle du village de Fanlac.
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"Les Plaideurs" de Jean Racine. (Comédie)
Racine avait perdu un procès et voulait se venger des juges vénaux et des avocats grandiloquents à la dialectique outrancière. Il a assez bien réussi…
Dandin, juge au bord de la démence, veut sans cesse diriger des procès. Son fils Léandre, aidé de Petit-Jean et de l’Intimé, tentent de l’empêcher de sortir de chez lui, sans y réussir vraiment.
L’amour n’est pas loin : Léandre cherche un moyen d’obtenir la main d’Isabelle, fille de Chicanneau, mais il faut avant cela s’occuper du procès d’un chien qui a volé un chapon...
Le juge est à la ramasse. Les plaideurs infatués, dérisoires et ridicules se chamaillent entre eux à leur seul profit, et leurs effets de manche n’ont finalement rien à envier aux ténors du barreau d’aujourd’hui…
Cette farce (c’en est une), unique comédie de Jean Racine, étrangement écrite en alexandrins vient s’intercaler entre la rédaction de Andromaque et Britannicus et connaîtra un certain succès, avant de tomber dans l’oubli.
Le tragédien ne renouvellera pas l’expérience et ne se placera jamais en concurrence avec son bon ami Molière. La pièce a dut attendre le XXe siècle pour réapparaître.
Sur des tréteaux de foire, dans un décor minimum (des pendrillons noirs et une porte), en ouverture du festival devant la façade grandiose du romantique château médiéval de La Faye à Auriac-du-Périgord, la représentation de Les Plaideurs de Racine par les comédiens d’Oghma a tout de suite donné le ton de ce festival hors du commun.
La distribution est excellente. Les acteurs ont de la voix. On rit beaucoup.
Les Plaideurs de Jean Racine avec : Aodren Buart, Charles Di Meglio, Elsa Dupuy, Christine Narovitch, Romaric Olarte, Ulyse Robin et Mathieu Weber de la Compagnie Oghma. Contact professionnel : charles@compagnieoghma.com
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"Les Sermons Joyeux". (Blagues de bons vivants)
Au Moyen-Âge, la fête des fous, ou fête des innocents de la fin du mois de décembre donnait lieu à des cérémonies extrêmement bizarres organisées par le clergé dans les lieux de culte.
Ce n'étaient pas seulement dans les églises paroissiales, les cathédrales et dans les collégiales que ces joyeusetés se célébraient : elles étaient aussi pratiquées dans les monastères des deux sexes.
On élisait un évêque des fous (Episcopus stultorum), et même dans quelques églises un pape des fous. Les prêtres, barbouillés de lie, masqués et travestis de la manière la plus folle, dansaient en entrant dans le chœur, y chantaient des chansons obscènes et prononçaient des sermons paradoxaux.
Dérivées des Saturnales romaines, ces fêtes paillardes étaient reliées aux traditions populaires rurales, peut être précurseurs de ce que l’on appellera plus tard Carnaval, et les historiens voient dans ces parodies liturgiques une des origines médiévales du théâtre.
C’est dans le village troglodytique de la Madeleine, en surplomb de la vallée de la Vézère, sur la commune de Tursac que la Compagnie Oghma a proposé ce drôle de spectacle itinérant où l’on découvre, ahuris, la vie de Saint Oignon et Saint Hareng...
Les Sermons Joyeux avec Charles Di Meglio et Romaric Olarte de la Compagnie Oghma. Contact professionnel : charles@compagnieoghma.com
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"Crève-Cœur" de Hyacinthe Mazé. (Comédia del Arte)
Dans un XVIIe siècle historiquement inexact, nous assistons à la parade amoureuse de deux être qui ont absolument besoin de se marier, et semblent prêts à (presque) tout pour y parvenir...
Il est ruiné et elle aussi. Il est laid, elle est belle.
Ils ont rendez-vous. Les deux personnages transposés dans la comedia del arte vont entraîner le public dans un florilèges de quiproquos à haute valeur comique ajoutée ; dans un tourbillon burlesque où s’expriment tous les aspects de la bêtise humaine.
Les artistes de Crève-Cœur respectent les strictes règles du jeu masqué et cette création contemporaine n’a sans doute pas à rougir des pièces de répertoire ancien.
On n’y retrouve pas forcement les caractéristiques imposées des personnages répertoriés de cet art complexe et très codifié, mais cela n'a aucune importance, et nos deux drôles remplissent fort bien leur rôle de caricature sociale qui n’est pas si loin finalement des archétypes médiévaux.
Troupe invitée du Festival de Théâtre Baroque au Périgord-Noir, le Théâtre du Pan est une compagnie bretonne composée d’acteurs, de musiciens, d’escrimeurs artistiques, d’auteurs et de metteurs en scène qui crée des spectacles originaux présentés sur les lieux historiques.
Crève-Cœur avec Anaïs Levasseur et Hyacinthe Mazé du Théâtre du Pan. Contact professionnels : contact@theatredepan.fr
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Dans le second article de blog consacré au Festival de Théâtre Baroque du Périgord-Noir, nous parlerons un peu plus de l'équipe et des enjeux de cette troupe d'artistes du spectacle vivant ; des "Fantaisies de Tabarin" ; des "Chansons à Boire du XVIIe siècle" et de la "Farce de Maitre Pathelin", monument historique du théâtre de foire : la création 2020 de la Compagnie Oghma.
Et on vous racontera aussi en quoi assister à une répétition publique change la donne sur la compréhension d'un spectacle que l'on va voir le lendemain.
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